Chaque année, il y a ce moment où mon coeur se met à battre un peu plus fort.
Ce moment où il faut dire au revoir et même adieu parfois.

Cette année, trois de mes grands déménagent et les autres partent au CP et même si on partage le même bâtiment et que je les reverrai souvent, cela faisait 2 ans que je les suivais, 4 jours par semaine (vu que je suis à temps partiel), soit 1440 heures environ passées avec eux et probablement pas loin de deux fois plus à être sans eux mais à travailler pour eux, à penser à eux ! Ce n’est pas rien quand on y réfléchit !
Bref, en cette fin d’année, mon coeur s’est un peu emballé de les voir franchir l’étape suivante, prendre un nouvel envol. Des larmes ont coulé sur les joues de certains parents, l’émotion était grande chez les adultes et les remerciements très touchants. La séparation est arrivée, pour certains enfants comme un vendredi des plus classiques et pour d’autres avec un peu plus de doutes et d’appréhension dans le regard.  A ceux-ci, j’ai fait mes recommandations habituelles, en leur chuchotant à l’oreille, tour à tour, au moment du câlin final, les qualités que j’avais vues en eux tout au long de l’année avec pour dernière phrase, notre nouvel adage : « Et surtout ne laisse jamais personne te dire le contraire » (merci Elise Gravel).

Mes élèves, ces mêmes élèves qui m’avaient déjà fait battre le coeur avant même de les rencontrer.

La rentrée et le dernier jour d’école ont cela d’identique finalement et ils se ressemblent bien plus qu’on ne croit.

Le coeur bat de la même manière.


Une année scolaire, c’est un peu comme un accouchement et toute ce qui en découle en fait.

Il y a l’avant, l’excitation mais aussi  la peur de cette nouvelle rencontre que l’on va faire. On connaît déjà leur prénom et on leur imagine un visage, un caractère, on prépare tout ce qu’il faut pour leur arrivée, on pense que ça va être formidable, on est plein d’espoir, plein d’idées, plein de projets, on imagine ce que l’on rêve de vivre avec eux.

Et l’accouchement a lieu, la rentrée se passe, effectivement c’est formidable, les premiers jours en particulier, c’est tout beau tout nouveau, mais c’est aussi un chamboulement total, on a parfois envie de baisser les bras, de tout arrêter, on lutte contre ses émotions les plus difficiles, on se fait violence régulièrement, on découvre des choses qu’on n’aurait jamais imaginées dans le meilleur comme dans le pire, on souffre, on lutte, on revoit notre copie, on se remet en question, on change d’avis, on se bat et on est constamment surpris.

Au  bout d’un an, on les connait déjà par coeur, on s’est battu pour eux, on a tenu bon, on s’est énervé parfois, trop certainement, on s’est fait déborder mais on s’est aussi excusé, on s’est réjouit souvent et on s’est surtout habitué. Et c’est à ce moment précis, ce moment où l’on se dit qu’ils ont déjà bien grandi et qu’il s’est passé quelque chose, qu’on doit les laisser.
Et quand on fait le point, on se rappelle surtout les joies, car si les peines et les difficultés ne s’oublient pas, ce ne sont pas elles qui retiennent le plus notre attention. La mémoire est sélective et elle nous joue des tours pour nous donner envie de recommencer, probablement, pour nous faire plonger à nouveau.

Alors effectivement, on recommence l’année d’après avec plus d’assurance, plus de confiance et encore plus d’envies mais pourtant on a toujours autant de surprises, autant qu’il y a de différences.

 

Voilà, c’est ça mon métier, c’est passer par des émotions similaires à celles de la parentalité mais devoir tout arrêter au bout d’un an, parfois un peu plus, pour recommencer, encore et encore, un éternel accouchement. C’est peut-être également pour ça que c’est aussi épuisant de mener les deux casquettes, sa propre parentalité, et celle que l’on vit en parallèle à l’école, ce ne sont pas nos enfants de sang mais ils le sont bien souvent de coeur, avec un attachement particulier en fonction des caractères et du vécu. On élève en permanence, à l’école puis à la maison, on a forcément des faiblesses, c’est un combat aussi beau que difficile.

Je sais que peu de temps après la rentrée, vous m’entendrez probablement me plaindre un peu à nouveau, dire que c’est difficile, que j’en ai marre alors il faudra me rappeler, si c’est trop, qu’à la fin ce n’est jamais ce que je retiens. Oui c’est de plus en plus difficile et chaque année je me demande si celle d’après je serai encore là, encore prête à revenir en sachant que je n’arriverai toujours pas à aider suffisamment certains enfants en souffrance, que certaines choses vont au-delà ce mes compétences, que je vais faire face à des situations complexes, loin de la mienne et si proche à la fois. Mais je suis là à chaque fois, présente au rendez-vous, parce qu’il y en a une qui y croit encore et toujours, dur comme fer, c’est cette petite fille qui à 8 ans voulait devenir maîtresse, était persuadée que c’était pour elle, qu’elle avait une mission. Cette petite fille le sait bien que ça ne sert pas à rien et que l’adulte qu’elle est devenue, si elle ne peut pas sauver tout le monde, peut apporter quelque chose, une goutte d’eau, une mini graine mais quelque chose quand même. Cette petite fille rêvait que le même épanouissement qu’elle a connu à l’école puisse être transmis autant de fois que possible. Il ne faudrait pas la décevoir.

Ce coeur qui bat plus fort à chaque fin d’année et à chaque rentrée, c’est aussi et surtout le sien !

 

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