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Je vous retrouve aujourd’hui, en cette semaine de rentrée pour un article qui sera peut-être plus à destination des enseignants de maternelle mais ça peut aussi inspirer les parents qui pourront adapter certaines choses.
Je vous y délivre les petites choses que j’ai mises en place dans ma classe ces dernières années pour accueillir le plus sereinement possible mes élèves de maternelle et en particulier mes petites sections. Des astuces simples pour pallier les inquiétudes des enfants comme celles des parents, calmer les pleurs plus vite, rassurer tout ce petit monde qui pour les uns découvrent l’école et pour les autres en ont parfois un mauvais souvenir.

Bon cet article arrive un peu tard oui, c’est vrai, (ça compte si mon excuse c’est que j’ai essayé de gérer la préparation de la rentrée de mes propres enfants avec un bébé de 2 mois collé au sein ? 😉 ) mais il sera encore temps de mettre ces choses en place dans la semaine si besoin en fonction de la manière dont se déroulera la rentrée et puis beaucoup d’écoles fonctionnent aussi en rentrée échelonnée pour les petites sections.

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Jeudi 12 mars 2020.

C’était pressenti mais comme souvent j’avais tenté de ne pas y croire et de garder mon indéfectible espoir, question de survie pour l’hypersensible que je suis. On faisait de l’humour régulièrement car dédramatiser permettait de continuer à avancer et était le seul moyen de tenter de tromper notre cerveau pour que le coeur tremble moins et continue à battre comme d’habitude.

Et puis ce soir là, c’est arrivé. Je n’ai pas écouté les informations, je n’ai pas voulu, je ne le fais jamais. Pour des tas de raisons mais cette fois encore plus, parce que je ne voulais pas entendre, parce que je pensais, comme une enfant que quand on n’entend pas, ça n’existe pas. Mon coeur avait réussi à persuader mon cerveau que ce n’était pas sérieux, que ce n’était rien, que ça passerait, que ce n’était pas ce que les adultes, les vrais croyaient mais que c’était autre chose, une autre histoire et que tout irait bien. Tout va bien, petite, répétais-je probablement inconsciemment à l’enfant qui est encore en moi, comme dans la chanson.  De toute manière, le ministre de la santé et quelques jours avant lui, le ministre de l »éducation nationale avaient crié à qui voulait l’entendre « Fermer les écoles jamais !  » Alors. Alors pour une fois ça m’avait bien arrangée d’écouter et de croire à leur discours. On n’envisageait pas de fermer les écoles, ce n’était donc pas si grave.

Et puis, sans avoir voulu entendre, l’information est pourtant arrivée à mes oreilles parce qu’aujourd’hui, les téléphones et les réseaux sociaux rappellent à ceux qui ne veulent pas voir la dure réalité en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Et j’ai su, peut-être quelques secondes après l’annonce officielle, j’avais compris sans même regarder mon téléphone, au nombre de vrombissements qu’il a fait en si peu de temps qu’il se passait ce à quoi je me refusais à croire.

Vendredi 13 mars 2020

Le lendemain, nous n’avions plus le même humour, et si on avait tenté de le faire survivre en ayant encore plaisanté la veille au soir via whats’app, il avait bien fallu se réveiller et se rendre compte que ce n’était pas un rêve.  Alors en une journée, nous avons dû gérer, en plus de notre inquiétude et de notre peine, celle des petits êtres qui nous tenaient debout jusque là et qui nous faisaient oublier que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Une journée de course effrénée où l’on ne savait pas bien quoi faire, quoi tenter de terminer, comment leur parler, comment réagir tout en ayant d’un coup une foule de choses à traiter dans la précipitation, un moyen de communication à créer en toute hâte et une organisation pour assurer un enseignement à distance auquel nous n’avions jamais été préparés. Une journée sans fin ou plutôt avec une fin inhabituelle, digne d’un dernier jour d’année scolaire à la différence importante que la joie n’était pas mêlée à la tristesse, que le sentiment du travail accompli n’était pas là, ni le plaisir de les sentir prêts et comblés. Nous n’avions pas cette montée d’adrénaline qui se transforme en fin de journée en épuisement total d’une année remplie et riche de découvertes, projets et petites victoires puis qui devient nostalgie dès le lundi suivant. Il a fallu se dire au revoir, pour de vrai, d’une manière trop brutale pour eux et pour l’enfant que je suis restée.

A ce moment, on souriait encore malgré tout, on se voulait rassurant, on gardait tous l’espoir de se revoir très vite. On savait que l’on se croiserait dans la rue lorsque nous viendrions à l’école pour cet enseignement à distance. Pour moi, c’était un peu plus difficile, il me restait tout juste trois semaines à faire avant  mon congé maternité et j’avais prévu une séparation festive et anticipée, une douce transmission de flambeau à mon remplaçant et la promesse de garder un oeil sur la classe, de venir participer de temps en temps à la chorale et autres projets si la forme me le permettait. Les choses ne se passaient pas comme prévu.
Nous avions beaucoup à ranger, à réfléchir, à remettre en ordre ou à finaliser. Je voulais que ma classe soit encore plus jolie, propre, accueillante qu’elle ne l’avait jamais été pour leur retour, pour que tout roule malgré cet arrêt, que les projets soient bouclés pour l’exposition de fin d’année pour laquelle j’espérais pouvoir revenir tout mettre en place. J’avais déjà l’installation précise en tête et je m’en faisais une telle joie, autant que les enfants car c’est un moment que j’adore particulièrement, un aboutissement, une année visible en un coup d’oeil, des souvenirs, une satisfaction et une fierté pour eux comme pour nous, un moment de partage avec les familles, quelque chose d’unique.
Mais nous étions épuisés, et lorsque 16h30 sonnèrent, après avoir dit au revoir à tous, s’être dit 1000 gentillesses, s’être dit « à bientôt » en y croyant qu’à moitié, après avoir vu l’inquiétude et la peine refoulées derrière les sourires d’amitié, après avoir cédé aux câlins d’enfants à qui on avait dû répéter les gestes barrières avec difficulté auparavant, après avoir tenté de répondre aux questions dans l’agitation la plus totale, nous tenions difficilement debout, comme assommés et prenant conscience de la nouvelle. Il fallait prendre le recul nécessaire qu’on n’avait pas eu entre l’annonce de la veille et la dernière journée d’école. On n’ a pas réussi à rester pour ranger et commencer à s’organiser, Alors on s’est dit qu’on ferait tout ça le lundi suivant et on est rentré chez nous car on avait tous le coeur un peu trop serré et le corps un peu trop vidé.

 

Lundi 16 mars 2020

En un week-end tout avait de nouveau basculé, ça ne s’était pas arrangé. Peut-être que c’était juste une impression, que c’était juste moi qui ouvrait enfin les yeux mais toujours est-il que j’ai douté, pour la première fois de pouvoir revenir, en particulier dans mon état, de les revoir, de terminer ce qui devait l’être. Il fallait éviter les contacts, les transports, rester chez soi et on avait le droit de faire l’enseignement à distance chez soi et non depuis son établissement si on avait des enfants à garder ou un risque pour la santé. J’ai cherché tout le week-end si les femmes enceintes faisaient partie des personnes à risque, espérant encore que non, et repoussant l’échéance. Ce n’était pas clair, on est fragile mais pas à risque, ça m’arrangeait bien d’y croire. Jusqu’au dimanche soir je pensais y retourner, jusqu’au dernier moment. Je déteste avoir tort, je déteste que ça ne se passe jamais comme dans mes plans, je déteste l’imprévu, je déteste perdre le contrôle. Mais j’allais connaître rapidement tout cela d’un coup. Je pensais y retourner, finalement pas trois jours, deux. Et puis non je tâcherais de ranger en une journée « mais tu comprends je ne peux pas laisser ma classe comme ça, j’ai rien rangé et pour mon remplaçant et mes élèves, ça n’ira pas, je suis obligée d’y aller ». Fausses excuses pour ne pas voir, pour avoir raison, pour tenter de faire la coupure plus douce. Jusqu’au moment où à force de lire et de me prendre la réalité de face, j’ai doucement capitulé. Je n’y retournerais pas, j’avais pesé le pour et le contre et même si je faisais tout et me torturais l’esprit, cherchant sur le net toutes les infos rassurantes pouvant aller dans mon sens et faire crier « le pour » plus fort, « le contre » menait la danse de plus en plus, c’était trop risqué; pour moi mais aussi pour Paparaignée qui souffre d’allergies et d’asthme.
Le lundi matin, au réveil, le même cheminement avait visiblement eu lieu dans la tête des collègues à risques, ceux qui ont pu y sont allés et ont passé leur journée à vérifier les téléphones et mails dans les fiches de renseignements, à créer des listes par classe et à terminer la paperasse pour organiser cet enseignement si particulier. On a compris rapidement que le confinement serait certainement pour le lendemain.

Mardi 17 mars 2020

C’est bête mais j’ai dû retenir mes larmes. Donc ça se finirait comme ça. J’ai mis un peu de temps avant de prendre de nouvelles habitudes d’enseignement, il a fallu découvrir de nouveaux outils de travail, faire des choix dans l’urgence, réfléchir à une organisation. Je reviendrais bien entendu ranger quand tout cela serait fini, faire une petite transition avec mon remplaçant, enfin, ça c’est ce que je croyais toujours, on est têtu ou on ne l’est pas.

 

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Lundi 13 avril 2020

Aujourd’hui on va apprendre que le confinement sera prolongé ; il y a des hauts et des bas, je n’y crois plus mais je fais semblant pour eux, pour moi, je sais qu’on ne se reverra pas de sitôt et j’évite d’y penser pour empêcher le torrent de larmes de se déverser. Je ne voulais pas d’une fin comme celle-là, je ne les reverrai peut-être même pas en septembre pour leur présenter ma fille, et les serrer dans mes bras, l’épidémie sera peut-être toujours là et je n’aurai pas le droit. Il faudra apprendre à vivre autrement, peut-être et je ne suis pas prête.
Oui je m’attache trop, oui ce n’est pas si grave, oui l’année scolaire a juste été un peu amputée mais moi je n’aime vraiment pas cette fin là, il me manquera encore longtemps ce bout. Je passerai à autre chose et eux aussi, plus rapidement et facilement qu’on ne le croit mais pour l’heure, l’émotion reste présente.
Et je réalise s’il le fallait que j’aime profondément ce métier malgré toutes les difficultés qu’il engendre et tout le travail inimaginable qu’il demande.
Et puis il y a ces moments qui font du bien et qui nous montre que ce n’est pas terminé, la chorale en live chaque mercredi, les recettes qu’ils me partagent suite à ma petite « émission » de cuisine créé pour eux, les messages qu’ils m’envoient, les photos, les coups de téléphone, les retours émouvants sur les histoires que j’enregistre pour eux, cette petite fille qui touche l’écran comme si j’étais là pour de vrai, cette autre qui me parle pensant que je l’entends et ceux qui attendent ce moment avec impatience chaque semaine car c’est leur préféré, celui où je suis là, près d’eux. Quelque chose de nouveau s’est créé, quelque chose de très beau.

 

Samedi 25 avril 2020

La vie continue, et il y aura dans 2 semaines un joli au revoir comme je le voulais j’en suis sûre, à distance certes mais un vrai au revoir, celui que j’aurai prévu, il viendra faire oublier le précédent, le brutal, celui que je n’aime pas car il est venu contrecarrer tous mes plans.
La vie continue, ma fille va vite arriver, pas comme j’aurais voulu c’est sûr, mais j’oublierai sûrement beaucoup à ce moment là.

Je n’aime pas l’imprévu, ni perdre le contrôle c’est vrai mais je sais rebondir et les enfants sont très forts à ce jeu là aussi, on s’en sortira. Tout va bien petite, tout ira bien.

 

 

 

 

Ecrire pour oublier, ça ne sera pas possible.
Ecrire pour surmonter, peut-être.
Ecrire pour évacuer, assurément.
En tout cas écrire, peu importe l’issue. C’est ce que j’essaie de faire depuis presque deux semaines et j’ai plus de difficultés que d’habitude. C’est pourtant quasiment instantané quand j’en ai besoin, ma manière à moi de crier, de pleurer, de frapper pour continuer à avancer. Mais là c’est différent, ça reste coincé . Les cris ont du mal à sortir, les larmes et les coups aussi. Un peu de déni sans doute comme pour me protéger au début et puis un tel bouleversement que l’émotion engendrée a pris un volume bien plus important que je ne l’imaginais, trop imposant pour sortir d’un seul coup.

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Il y a une semaine, la cloche retentissait une dernière fois dans les couloirs de l’école avant de se mettre au repos pour un peu moins de deux mois. Les cloches ne sonnent plus mais les écoles sont encore ouvertes et si on pousse la porte, on y trouve encore des enseignants qui s’affairent dans un calme agréable et réparateur. Ils rangent, décrochent, nettoient, se remémorent des souvenirs, tirent des leçons et réagencent, préparent, renouvellent, étiquettent, rassemblent, anticipent. Ils utilisent leur dernières forces. Ils font le point et pensent déjà aux projets de la nouvelle année. Tout se pense en amont, les grandes lignes tout du moins et parfois avant même la fin de l’année précédente, c’est ainsi.

Je ne vais pas vous refaire le couplet habituel, vous savez depuis quelques années combien ce moment est particulier pour moi,  cet entre deux où les enfants sont partis mais où l’on tente de maintenir encore un peu de vie dans les locaux de l’école. Vous savez que j’aime et que j’ai besoin d’écrire sur ce moment où les émotions se mêlent, où tout retombe d’un coup à tel point que l’on a l’impression que se relever pour recommencer sera presque impossible, où tout disparaît en tellement peu de temps que l’on a l’impression d’avoir juste rêvé. On regarde sa classe, si vide, si inanimée mais le corps et l’âme eux se souviennent encore. Ils restent marqués et il faut un peu de temps pour se défaire de ce qui fait presque l’effet d’une drogue, ce pourquoi on a tenu jusqu’au bout.

Mais cette année, cette fin pourtant habituelle me semble plus difficile que les autres.

J’ai la sensation, encore jamais éprouvée, d’avoir tellement donné que je ne pourrai pas faire mieux, ni même autant.

D’abord, probablement parce que cette année, grâce au transfert d’une classe élémentaire en maternelle, les effectifs se sont réduits, nous sommes passés de 30 à 21 et pendant 4 mois, j’ai eu 2 asem le matin, j’ai pu m’occuper des élèves correctement, de tous les élèves, même dans ma toute petite classe. Il n’y a pas de secret. J’ai pu mieux respecter leur rythme et leurs besoins, il n’y a pas eu un seul moment où j’ai dû juste survivre, j’ai vécu pleinement mon métier comme je l’entends avec toujours des difficultés à surmonter mais avec la satisfaction de pouvoir apporter à chacun et de manière juste. Mais il ne faut pas se leurrer, les effectifs vont progressivement augmenter à nouveau maintenant que l’ouverture est officielle et avec la réforme, respecter le rythme et les besoins ne semble plus la priorité… En vrai ça ne l’était déjà pas mais on pouvait encore faire parfois sa petite soupe dans son coin pour accommoder les choses et tenter de pallier au grand n’importe quoi de l’éducation nationale, ça risque de se corser.

Ensuite, parce que cette année, j’avais le thème idéal, celui qu’il fallait pour monter au sommet, la mythologie grecque, ma passion depuis l’adolescence. Cette année, on m’a demandé de la transmettre. Qu’est-ce qui aurait pu me rendre plus heureuse ? C’était juste le thème le plus passionnant sur lequel j’ai travaillé avec les enfants dans toute ma carrière. Ce thème qui soigne les blessures intérieures dont on n’a même pas connaissance, ce thème qui répond aux questions de notre inconscient, ce thème qui m’a emporté et les enfants avec, tellement loin que j’en ai souvent oublié mon sommeil et ma personne. Même les parents se sont laissés surprendre puis emporter dans ce tourbillon de légendes et n’en revenaient pas de l’effet sur leur progéniture et leur famille toute entière parfois, de ce que nous avons pu réaliser avec eux autour de ce thème. Le langage, le vocabulaire et la mémoire sont montés en flèche et les enfants se sont mis à demander les feuilletons de Muriel Szac pour Noël ou leur anniversaire. L’imagination est revenue et les jeux de récréation s’en sont trouvés enrichis. Les remerciements ont été dignes d’une ascension au Mont Olympe. Une année tellement riche et intense que je me demande comment je vais pouvoir recommencer.

 

Enfin, parce que je ne suis pas montée aussi haut toute seule. Le thème était idéal pour moi certes, mais les collègues l’étaient encore plus et cette année la cloche sonne aussi le départ d’une partie d’entre elles.  Des collègues qui sont bien plus que ça, des amies et je ne veux pas mettre la pression aux nouveaux arrivants qui ont l’air vraiment charmants mais il s’est réellement passé quelque chose cette année, et je ne sais pas si ça peut se reproduire ;).
Quand la cloche à sonné vendredi dernier, quand la classe s’est vidée, je me suis sentie seule, vidée moi aussi, mais ce n’est pas tant le départ de mes élèves qui m’affectait cette fois. J’ai réalisé que mes collègues allaient bel et bien partir, pour de vrai, pas juste dans la cour d’à côté ou dans la classe du dessus. J’ai vu leurs cartons, j’ai vu leurs classes où leurs empreintes s’effaçaient et j’ai compris que je perdais le plus important. J’ai ressenti instantanément un manque, j’ai compris que j’allais devoir avancer sans elles, à la rentrée prochaine.

Les enfants qui partent franchissent une étape. Le chemin continue mais moi je m’arrête là, juste avant que la route ne bifurque. C’est mon rôle, à chaque fois, de les accompagner, de ne pas les retenir, surtout pas, au contraire, qu’ils puissent s’envoler plus haut. A la rentrée, ils ne seront plus « mes » enfants mais ils seront toujours là, me faisant toujours un sourire en coin à travers la grille, et on se remémorera des souvenirs parfois. Je garderai un oeil sur eux.

Cette année, je suis comme mes élèves et leurs parents et je perçois l’immense difficulté que ça peut être de passer d’un enseignant à un autre quand on s’attache à ce point, qu’on prend des habitudes, qu’on grandit avec lui. On a fait un bout du chemin ensemble, elles m’ont accompagnée (et j’espère les avoir accompagnées aussi), la route s’est élargie progressivement et aujourd’hui, il est temps d’en prendre chacune une nouvelle. Il faut couper un cordon devenu ultra résistant. Cette année, je verse des larmes différentes, et la rentrée aura un arrière goût de mélancolie. Je serai bien obligée d’ôter mes œillères habituelles, qui me servent en toutes occasions, même si j’ai bien pris soin de les fixer le plus fort possible cette fois. Au jeu du stop ou encore, ce sera stop pour cette manche qui clôturera la partie.

Je sais bien que les années à venir seront plein de nouvelles rencontres, de nouvelles richesses et que ça m’apportera beaucoup, que je découvrirai encore, que je partagerai à nouveau, que je rirai toujours mais je n’oublierai pas cette année, ces années qui m’auront fait rencontrer ces 4 collègues fantastiques auxquelles je pense aujourd’hui.

D’abord celles qui étaient de passage, là pour un an et même moins, mais qui auront marqué mon esprit et mon coeur comme jamais aucun enseignant n’a pu le faire en si peu de temps. Elles, ce sont celles que je choisirais sans hésiter si j’ouvrais une école ou quoi que soit d’autres d’ailleurs, celles qui m’ont boostées et qui m’ont donné envie de partager et de mener des projets plus que de raisons, celles qui savaient me donner l’envie de me dépasser et qui auraient pu me demander n’importe quoi, celles qui pouvaient me remonter le moral en 2 secondes, juste par leur simple présence, celles pour qui j’avais envie de ne montrer que le meilleur et avec qui j’ai tellement ri, celles qui m’ont accordé leur confiance et qui me suivaient dans toutes mes folies (même les plus foireuses, en redressant la barre quand il le fallait quand même ;)), celles auprès de qui je me suis sentie grande, légitime, compétente mais qui m’ont fait grandir encore plus.

C**** est exactement moi 10 ans en arrière, mêmes passions, même type de vie, même fragilité et sensibilité et mêmes envies, force et persévérance, même organisation. Bon en fait, je crois qu’elle est bien plus compétente que moi à son âge, ça promet 😉 . J’ai eu l’impression d’avoir une petite soeur le temps d’une année et c’était génial, une petite soeur à qui on donne autant qu’elle nous apprend, une petite soeur que l’on protège autant qu’elle vous rassure, une petite soeur avec qui on rit bêtement de choses bêtes et avec qui on construit des choses incroyables.

M****** serait plutôt mon contraire, calme, posée, réfléchie, capable de canaliser mon énergie comme personne, sans rien faire, inconsciemment presque. Avec elle aussi j’ai appris beaucoup, et j’ai ri. Avec elle, l’émulation a été totale et le plaisir instantané. D’un horizon différent du mien, j’ai été complètement admirative de son adaptation et de son investissement. Sans avoir pratiqué avant avec ce type de public très jeune, elle m’a pourtant appris bien plus que certaines avec de la bouteille.

Ensuite, les anciennes comme on dit, celles qui partent après 5 ans dans cette école et 5 ans de vie commune, ce n’est pas rien dans notre métier. Il y a 5 ans, nous arrivions toutes les 3 en même temps, avec un passé différent mais pleine d’envies pour un avenir commun.

M**** arrivait en élémentaire, elle est peu à peu devenue la maîtresse des plus grands de l’école, celle qui les aidait à franchir la passerelle qui mène au collège. Une enseignante simple, calme, posée avec une belle maîtrise de soi et pleine de richesses, de partages. Celle qui a créé un lien particulier entre les cm2 et les maternelles et qui a rendu possible des projets parmi mes préférés dans l’école, celle qui a aidé au partage entre les générations et à la transmission entre élèves. Je ne l’oublierai pas, je penserai forcément à elle quand on parlera médiation culturelle, coup de pouce, kermesse, danse traditionnelle, yoga et j’en passe. Elle aura laissé sa patte.

Et puis il y a A****, la zen attitude, qui prend son temps, qui sait faire la part des choses et prendre toujours la bonne distance quand il y a un problème, qui gère ses émotions et sa classe d’une main de maître, qui gère son temps de travail avec brio, qui aime l’ordre comme moi et avec qui j’ai donc rangé la réserve un nombre incalculable de fois, celle qui a été mon premier guide dans ce métier sans vraiment le savoir puisqu’avant elle j’avais été essentiellement remplaçante. Organiser une sortie, faire des commandes, tenir une coopérative, rédiger des dossiers, organiser les APC, je ne savais pas faire, alors je faisais tout comme elle et si aujourd’hui je suis à l’aise avec tout ça et je peux le transmettre à mon tour, c’est essentiellement grâce à elle. Avec elle, le lien est particulier, nous sommes tombées enceintes au même moment, moi de mon deuxième, elle de son premier. A peu de jours près, ils naissaient à la même date, ils ont été gardés chez la même nounou, élevés ensemble et ils ont eux aussi un lien particulier. On a échangé, on a partagé bien plus que sur le boulot, une collègue à qui je n’ai pas peur de tout dire, de donner mon ressenti car elle est toujours d’excellent conseil et elle sait me faire réfléchir avant d’agir.

 

A elles toutes réunies, elles ont fait de cette année, la meilleure de ma carrière et les larmes me viennent à l’écriture de cette phrase car ces rencontres marquantes n’arrivent pas tous les jours dans une vie. Aujourd’hui, je garde le moteur allumé même si l’essence est à court et je vais tâcher d’en trouver un peu ailleurs même si elle n’aura sans doute pas la même odeur, la même puissance. J’espère qu’un jour je croiserai à nouveau la route de mes fournisseuses préférées.
Aujourd’hui c’est à mon tour de dire « Merci maîtresses ».

 

 

Vous le savez, je suis maîtresse, professeur des écoles on dit, bref, j’enseigne et je fais un million d’autres choses aussi pour lesquelles je ne suis pas habilitée en principe mais ce n’est pas nouveau et on en parlera une autre fois.
J’enseigne avec un plaisir souvent démesuré, parfois déraisonnable mais toujours captivant, ce n’est pas nouveau.

J’aime profondément mon métier.
Mon coeur bat ! C’est comme ça.

Mais aujourd’hui je suis inquiète. Plus que je ne l’ai jamais été.

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Chaque année, il y a ce moment où mon coeur se met à battre un peu plus fort.
Ce moment où il faut dire au revoir et même adieu parfois.

Cette année, trois de mes grands déménagent et les autres partent au CP et même si on partage le même bâtiment et que je les reverrai souvent, cela faisait 2 ans que je les suivais, 4 jours par semaine (vu que je suis à temps partiel), soit 1440 heures environ passées avec eux et probablement pas loin de deux fois plus à être sans eux mais à travailler pour eux, à penser à eux ! Ce n’est pas rien quand on y réfléchit !
Bref, en cette fin d’année, mon coeur s’est un peu emballé de les voir franchir l’étape suivante, prendre un nouvel envol. Des larmes ont coulé sur les joues de certains parents, l’émotion était grande chez les adultes et les remerciements très touchants. La séparation est arrivée, pour certains enfants comme un vendredi des plus classiques et pour d’autres avec un peu plus de doutes et d’appréhension dans le regard.  A ceux-ci, j’ai fait mes recommandations habituelles, en leur chuchotant à l’oreille, tour à tour, au moment du câlin final, les qualités que j’avais vues en eux tout au long de l’année avec pour dernière phrase, notre nouvel adage : « Et surtout ne laisse jamais personne te dire le contraire » (merci Elise Gravel).

Mes élèves, ces mêmes élèves qui m’avaient déjà fait battre le coeur avant même de les rencontrer.

La rentrée et le dernier jour d’école ont cela d’identique finalement et ils se ressemblent bien plus qu’on ne croit.

Le coeur bat de la même manière.

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Aujourd’hui, je viens vous présenter le sac que j’ai cousu pour la première rentrée de Marmouset à l’école, en petite section de maternelle donc.
Bon, je suis bien placée pour savoir qu’à cet âge, il n’a pas tellement besoin d’un sac pour l’école en fait, mais comme beaucoup de parents, pour la première rentrée (et certainement pour toutes les autres après également), on aime bien en faire dix fois trop ;). Il lui fallait donc un sac pour la traditionnelle photo de rentrée (oui je suis du genre à faire ça, l’ayant moi-même vécu petite) et pour les sorties avec pique-nique (comme ça au moins j’ai une vraie excuse).

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Ce n’est pas la première fois que j’écris sur la fin de l’année scolaire. L’année dernière, à peu près à cette même date, alors même que j’étais encore en congé parental, j’en parlais déjà ici.

C’est toujours un moment important pour moi, c’est toujours un moment particulier avec un goût inimitable, une odeur bien spécifique, des sensations que je reconnaîtrais entre mille, des émotions qui grandissent et se mélangent prêtes à jaillir le jour J, celui où la cloche finale sonnera. On emmagasine, on accumule et ça explose. C’est comme le feu d’artifice que tu vas regarder chaque 14 juillet, il ne change pas beaucoup, c’est toujours à peu près la même chose et pourtant tu y retournes quand même. Tu le connais par coeur et pourtant tu es toujours surprise et tu as comme l’impression de le découvrir pour la première fois à chaque fois. Tu sais ce qui va se produire mais tu restes excitée et émerveillée. Tu attends le bouquet final avec impatience, tu es ravie lorsqu’il arrive enfin mais tu râles un peu parce que c’est déjà fini. Et quand les dernières étincelles sont redescendues, tu restes un peu toute chose, un peu enfant, un peu rêveuse puis tu rentres chez toi et tu oublies tout en quelques jours. Un dernier jour d’école, c’est un peu comme ça aussi. Lire la suite

Quelques jours après la rentrée, une matinée d’école comme toutes les autres en début d’année.

Aujourd’hui, comme chaque jour, je suis arrivée à huit heures moins dix.
J’ai voulu imprimer mon cahier journal (l’emploi du temps de la journée) et quelques autres documents, j’ai attendu 10 minutes (qui m’ont paru 3 heures) qu’un ordinateur de la salle informatique veuille bien s’allumer et soit prêt pour mes impressions. L’impression n’est pas sortie. J’ai regardé l’écran de l’imprimante, il indiquait « bourrage papier ».
J’ai ouvert le capot avant, je n’ai pas vu de papier, j’ai ouvert le capot arrière, je n’ai pas vu de papier, j’ai ouvert l’imprimante par la partie scanner au-dessus, je n’ai pas vu de papier, j’ai ouvert le tiroir à papier, il y avait du papier placé correctement. J’ai appuyé sur « ok » pour lancer mon impression, « bourrage papier » s’affichait toujours, j’ai checké à nouveau tous les endroits possibles de la machine avec la lampe de mon téléphone portable. Je n’ai rien trouvé.
J’ai débranché la machine, je l’ai rebranchée, il n’y avait plus de bourrage papier, mes impressions se sont lancées. Il ne me restait plus que 10 minutes avant que les enfants n’arrivent. Rien n’était prêt mais j’avais mon emploi du temps sous les yeux.

J’ai allumé la plastifieuse, je suis partie dans ma classe préparer le reste pendant qu’elle chauffait. 
J’ai sorti des feuilles et des crayons de couleurs sur une table. 
J’ai placé le tableau de présence au bon endroit.
J’ai checké les derniers détails de mon environnement de classe pour vérifier que tout était à sa place, ordonné, propre et le rendre le plus accueillant possible. Je me suis dit que j’étais prête.

J’ai relu mon cahier journal. J’ai préparé à toute vitesse la peinture, les feuilles pour la peinture, le matériel pour les activités du matin, j’ai massicoté, dessiné, écrit, organisé. Cette fois tout était prêt. J’avais oublié la plastifieuse. C’était trop tard pour plastifier, je suis allée éteindre la plastifieuse et me suis dit que je ferais tout ça à midi.

J’ai pris ma fiche pour pouvoir cocher qui irait à la cantine, au TAP (activités) et au goûter.
J’étais déjà fatiguée 😉

Il était 8h20
Et les enfants sont arrivés.


F* est arrivé le premier avec sa maman.
J’ai dit « Bonjour F* ».
Il m’a sauté dans les bras avec un grand sourire, ça m’a fait plaisir. Sa maman m’a demandé si ce n’était pas trop difficile comme il ne parlait pas le français. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas de problème, que ce n’était pas le seul, qu’on se comprenait quand même et qu’il parlerait très vite, que j’avais l’habitude. Sa maman a eu l’air rassurée, ils sont entrés dans la classe.

S* est arrivée.
J’ai dit « Bonjour S* ».
S* s’est cachée derrière le pantalon de sa maman comme trois autres enfants par la suite.
J’ai dit « Mais S* n’est pas là aujourd’hui ? » d’un air amusé et probablement idiot pour détendre l’atmosphère et faire comme s’il s’agissait d’un jeu, je ne suis pas sûre que ça ait fonctionné mais S* est entrée dans la classe.

Q* est arrivé.
J’ai dit « Bonjour Q* ».
Il m’a regardé, il a pleuré et il s’est agrippé à sa mère. Je me suis effacée. Ils sont entrés dans la classe.

C* est arrivé.
Il serrait son doudou très fort. J’ai dit avec un air extasié et probablement idiot « Bonjour C*, Ooooooh le beau doudou, il est beau dis donc, comment il s’appelle ?
C* a gardé son pouce dans sa bouche, il a regardé son doudou, il m’a regardé, il a du se demander pourquoi je l’embêtais et il n’a rien dit. Je les ai fait entrer dans la classe.

R* est arrivée.
J’ai dit « Bonjour R* ».
R* n’a rien dit. Sa maman avait l’air gênée. Elle lui a dit « R*, tu dis bonjour ! » J’ai dit que c’était normal et que ce n’était pas grave, qu’on se dirait bonjour après et ils sont entrés dans la classe.

D* est arrivé dans la classe,.
Il pleurait déjà mais je lui ai quand même dit bonjour. Son grand-père m’a demandé en espagnol à quelle heure il fallait venir le chercher, j’ai répondu en espagnol.

Z* est arrivé.
Je lui ai dit bonjour et il m’a répondu.
Sa maman m’a demandé à quelle heure elle devait venir rechercher son fils.
J’ai dit que ça dépendait, que si elle pouvait venir à 11h30 c’était mieux pour qu’il s’adapte doucement. Elle m’a dit qu’elle pouvait. Elle m’a demandé pour les autres jours, j’ai expliqué, assez fort pour que tous les autres parents qui attendaient derrière entendent que ça dépendait de l’enfant, s’il s’adaptait rapidement ou si c’était encore difficile. Que pour ceux pour qui c’est difficile, s’ils ne peuvent faire que la matinée au début c’est bien.
J’ai répété cette information aux 3 parents qui suivaient.

S* est arrivée dans la classe. Sa mère m’a demandé en anglais à quelle heure elle devait revenir la chercher. J’ai répondu en anglais.

A* est arrivée, elle pleurait.
J’ai demandé à A si elle voulait la bouteille magique, elle m’a dit oui, je lui ai donné la bouteille magique, elle a arrêté de pleurer aussitôt. 
W* est arrivé, il pleurait.
Je me suis dit que j’aurais du faire d’autres bouteilles magiques.

S* est arrivée, sa mère m’a demandé en roumain à quelle heure elle devait venir le chercher. Je l’ai regardée, elle m’a regardée, elle m’a montré l’horloge, j’ai compris. J’ai écrit la réponse sur une feuille.

P* est arrivé.

Je l’ai salué. Son papa m’a dit qu’il mangeait à la cantine et m’a demandé à quelle heure il devait venir après. Je lui ai dit que ça dépendait, qu’aujourd’hui c’était mardi et que le mardi et le vendredi, c’était 15h sauf s’il restait aux TAP qu’on appelait l’année dernière les ARE mais que ça avait changé de nom, bref les activités avec les animateurs et qu’après c’était 16h30 sauf s’il restait au goûter, auquel cas, il pouvait venir à partir de 17h15 jusque 18h30. Il m’a regardé, il avait l’air perdu. J’ai compati. J’ai pensé que moi-même je n’étais pas sûre d’avoir tout compris.
J’ai réexpliqué calmement et le plus clairement possible à tous car la question de ce papa en avait alerté d’autres.
Tous sont entrés dans la classe.

Les parents sont repartis progressivement en me souhaitant une bonne journée.
Certains m’ont appelée au secours pour cause d’enfants agrippés à leur jambe, j’ai donné la main et comme je n’en avais plus assez j’ai prêté mes jambes pour qu’ils s’agrippent. J’ai proposé à ces enfants des activités et je les ai aidés à s’installer. Certains sont restés agrippés à ma jambe. Certains pleuraient encore, j’ai tenté de les divertir comme je pouvais et ça a marché, la plupart du temps. J’ai fermé la porte pour éviter que certains ne s’échappent, je me suis rendue compte qu’il restait deux parents dans la classe. J’ai sonné le triangle qui veut normalement dire « c’est l’heure de ranger »et j’ai dit avec un sourire idiot « c’est pour les parents » pour les faire partir poliment. Il a fallu encore 10 minutes pour qu’ils réussissent à partir, entre temps, les enfants qui ne pleuraient plus ont vu qu’il y avait encore des parents et se sont rappelés que les leurs étaient partis. Tout le monde pleurait.  
Tout le monde a arrêté de pleurer à coups de bouteille magique, de câlins, de distraction et parfois de promenade dans l’école avec l’ASEM pour aller voir les poissons de la gardienne.

Il était 8h40.
J’ai laissé les enfants se sentir à l’aise, choisir des activités, j’ai discuté avec certains, j’ai réglé des conflits, j’ai répété aux moyens trop agités de montrer l’exemple aux petits, j’ai donné des responsabilités, j’ai aidé à trouver son étiquette prénom, …
Tout le monde avait une activité ou poursuivait un travail.
F* a mangé la pâte à modeler, j’ai dû lui retirer de la bouche avec les doigts car il n’a pas compris qu’il fallait cracher. F* a ensuite dessiné sur la table, je lui ai donné une feuille puis il a jeté les crayons dans toute la classe et ça avait l’air de lui faire très plaisir, je l’ai invité à ramasser les crayons avec moi.
S* faisait une tour avec les solides géométriques et mettait des grands coups de poing dedans.
P* et L* jetaient les cartes de l’imagier de la classe partout dans le coin bibliothèque.
C* et A* se disputaient pour une activité.
W* faisait le dinosaure dans la classe.
Je me suis dit qu’il était temps de ranger.

Il était 9h20.
J’ai sonné le triangle.

J’ai aidé à ranger, j’ai séparé des enfants qui se disputaient pour ranger, j’ai expliqué qu’on ne rangeait pas l’activité de l’autre sauf s’il voulait bien de l’aide, j’ai rattrapé ceux qui couraient pour vite tenter de faire une autre activité, j’ai rappelé ceux déjà assis qui n’avaient pas rangé, j’ai montré pour la centième fois comment s’asseoir, je suis allée 20 fois récupérer ceux qui étaient repartis faire une activité. On a fini par réussir à tous s’asseoir.
J’ai salué tout le monde. j’ai récité une petite comptine, j’ai parlé un peu de ce qu’on allait faire dans la journée.
D* m’a dit qu’il n’allait pas à la cantine. Je savais qu’il y allait. Je lui ai dit que ce n’était pas l’heure de la cantine, que l’on verrait ça après et que je savais qui y allait et qui n’y ‘allait pas.
R* m’a dit qu’il n’allait pas à la cantine, j’ai répété ce que je venais de dire et je l’ai répété aussi aux 15 autres enfants qui m’ont dit qu’ils n’allaient pas à la cantine.

J’ai voulu reprendre le fil de ce que je disais avant.
M* m’a dit qu’un jour il avait eu un vélo rouge. Du coup L* m’a raconté qu’elle avait un vélo et que sa maman aussi. Tout le monde a voulu me parler de son vélo et d’autres choses qui n’avait rien à voir avec le vélo. J’ai expliqué qu’on pourrait se raconter tout ça en récréation. J’ai pensé que de toute manière, au moment de la récréation, ils auraient oublié.
J’ai voulu reprendre le fil de ce que je disais avant.
Q* s’est remis a pleuré, personne n’entendait plus ce que je disais. Je lui ai demandé s’il voulait la bouteille magique mais il n’en voulait pas. L’Asem de la classe est allée se promener dans l’école avec lui et avec une autre enfant qui pleurait car elle l’avait enlevée de ses genoux pour prendre Q*.
J’ai voulu reprendre le fil de ce que je disais avant.
Mais je ne savais plus de quoi j’étais en train de leur parler.

J’ai dit que j’allais leur lire une histoire.
W* s’est mis à répéter tout ce que je disais.
C* a dit : W* il répète maîtresse.
W* a dit que oui mais que C* n’était pas bien assise.
C* a dit que G* non plus n’était pas bien assis.
G* m’a dit que T* touchait aux puzzles.
J’ai expliqué que je ne voulais pas que les enfants rapportent sauf en cas de grand danger.
J’ai expliqué ce que c’était que « rapporter » et ce que c’était « qu’un grand danger ». On a donné des exemples.
J’ai voulu commencer l’histoire.
W* m’a dit que F* n’était pas assis correctement alors que lui même était debout.
J’ai dit a W* qu’il fallait avant tout qu’il s’occupe de lui même et pas des autres, que c’était déjà beaucoup de s’occuper de soi et que, moi, je m’occuperais du reste.
W* m’a dit que B* avait pris un jeton dans sa main.
J’ai hésité entre partir de la classe et me fâcher.
J’ai respiré, j’ai demandé de se taire pendant l’histoire.
L* a hurlé « chut tout le monde » avec une grosse voix.
J’ai dit a L* que c’était gentil de sa part de vouloir aider mais que c’était moi la maîtresse. J’ai demandé de se taire.
L* a froncé les sourcils et a crié, je lui ai dit qu’il semblait fâché et je lui ai donné la bouteille magique.

W* m’a dit que lui aussi il était fâché. J’ai dit à W* qu’on ferait plein de bouteilles magiques pour que chacun ait la sienne à la maison mais qu’en classe je savais reconnaître qui en avait le plus besoin et qu’il l’aurait quand il serait vraiment fâché ou triste.
J’ai respiré, j’ai commencé l’histoire.

Il était 10h.
J’ai dit qu’on allait aller en récréation jouer dans la cour.
J’ai demande à B* d’aller ranger les jetons qu’il avait mis dans sa poche car si tout le monde prenait le matériel de la classe, on ne pourrait plus faire les activités.
B* est allé ranger les jetons.
C* m’a apporté la pâte à modeler qu’elle avait mise dans sa poche.
N* m’a rendu les petites clés des cadenas d’une activité de la classe.
S* m’a rendu un objet qu’il avait pris dans la boîte de tri de couleurs.
D* s’est mis a pleuré, il m’a dit « La maîtresse, tu viens avec nous ? ». J’ai dit oui. Comme il n’était pas très sûr, il est resté accroché à ma jambe.

S* s’est mise à pleurer en hurlant qu’elle ne voulait pas aller à la cantine, je lui ai expliqué que ce n’était pas la cantine mais la récréation.
R* s’est mise à pleurer car elle avant entendu le mot « cantine ». Je lui ai dit qu’on allait en récréation et que de toute façon, elle ne mangeait pas à la cantine.
W*, D* et L* sont venus me dire qu’eux aussi ils ne mangeaient pas à la cantine, j’ai dit qu’on verrait ça après.
Il faisait très beau. J’ai dit que ce n’était pas la peine de prendre son gilet ou sa veste.
S* m’a dit qu’il n’arrivait pas à mettre son gilet.
J’ai dit que ça tombait bien car on n’en avait pas besoin.
C* m’a demandé si on mettait son gilet.
Je lui ai dit que j’avais déjà dit que c’était inutile.
P* m’a dit qu’il n’avait pas de gilet.
J’ai dit : « on se range et on y va »

Je me suis assise sur le banc de la cour.
A* a retrouvé son frère qui est dans l’autre classe, pendant la récréation, il pleurait. Du coup, elle s’est mise a pleurer aussi. Ils ont pleuré tous les deux sur mes genoux.
R* s’est mise contre moi et D* est resté agrippé à ma jambe.
On a tous fait un gros câlin et ça tombe bien, j’en avais besoin aussi.
Z* m’a demandé sa maman, j’ai dit que c’était bientôt l’heure.
F* m’a demandé sa maman, j’ai dit que c’était bientôt l’heure des mamans et des papas.
S* m’a demandé sa maman. Je n’ai pas osé lui dire qu’elle mangeait à la cantine, je lui ai dit que c’était bientôt l’heure.

I* m’a dit que L* l’avait tapé. J’ai demandé à I* comment il se sentait, il m’a dit qu’il se sentait triste, je lui dit qu’il devait le dire à L* et je l’ai accompagné.
A* a mordu un autre enfant, je suis allée lui parler.
D* a tapé un enfant, j’ai parlé à D.
S* m’a dit que le garçon vert lui avait marché dessus. Personne n’était habillé en vert. Je lui ai demandé de me le montrer car je ne trouvais pas le garçon vert, elle ne l’a pas trouvé non plus.  J’ai dit à S* que je le chercherais et que je lui dirais de faire attention.
J’ai réglé une quinzaine de disputes, appris à 10 enfants à exprimer leur ressenti, à 3 autres à courir en regardant devant soi, à ces 3 mêmes à aider s’ils avaient bousculé et j’ai fait au moins 12 bisous magiques.

Il était 10h30
On s’est rangé.
F* s’est caché sous le toboggan.
Le frère d’A* s’est enfui du rang de sa classe pour se mettre dans la mienne.
A* a pleuré encore plus fort.
S* est venue me dire qu’elle ne voulait pas aller à la cantine, j’ai expliqué qu’on n’allait pas à la cantine mais dans la salle de motricité.
J’ai essayé de faire une séance de relaxation.
Nous avons commencé par la détente du corps.
J’ai osé dire le mot « fesses ».
J’ai dû mettre fin à la séance de relaxation.
Je me suis consolée en me disant que le rire détendait aussi. 

Il était 11h.
Nous sommes remontés en classe.
Nous avons chanté.
F* a fait du bruit avec sa bouche et il a battu des mains, j’ai pensé qu’on partait de loin mais il avait l’air ravi et c’était déjà une victoire.

La dame de la cantine est arrivé.
R* a pleuré. Je lui ai expliqué qu’elle n’allait pas à la cantine. Elle a pleuré plus fort en me disant qu’elle n’allait pas à la cantine, je lui ai dit que je le savais, elle a pleuré quand même.

J’ai appelé les enfants qui allaient à la cantine.
D* s’est caché dans la classe.
R* a pleuré de nouveau, je lui ai dit que je ne l’avais pas appelée.
S* a hurlé et s’est débattue pour ne pas y aller. Je lui ai donné la bouteille magique, son doudou, un câlin, les genoux de notre asem mais elle pleurait encore. 

Je suis passée à la cantine leur faire un petit coucou, tout le monde mangeait de bon coeur. Personne ne pleurait.

J’étais lessivée.
Bref, c’était une matinée de classe comme toutes les autres en ce début d’année et ce n’était que la matinée.

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5 juillet 2016
Ce jour sonne comme la fin de quelque chose.
Non ? Ça ne vous dit rien ?
C’était le dernier jour d’école. Pour l’année 2015-2016 hein pas pour toute la vie, ne rêvez pas, vous, parents stressés derrière votre écran, il y aura bien une prochaine rentrée (et ça m’arrange, il faut bien que je bosse).

Je sais, vous vous demandez bien pourquoi j’ai soudainement envie d’écrire sur ce dernier jour d’école, moi, dont les enfants ne sont pas encore scolarisés, moi, la maîtresse en congé parental jusqu’à la rentrée prochaine.
Justement, cette année, je ne vis pas ce jour de manière intensive, comme d’habitude. Ce jour où l’enseignant se demande s’il sera encore vivant à la fin de la journée. Où il se demande s’il arrivera à ranger sa classe sans devoir revenir pendant plusieurs jours pour réorganiser le tout (et la réponse est souvent plus proche du non que du oui). Où il se demande s’il s’effondrera sur son canapé et s’endormira avant 18h32, record de l’année précédente. Où il se demande quelle est cette sensation indéfinissable, cette odeur différente qui règne dans l’école, une sorte de mélange contradictoire entre un grand soulagement et une infinie mélancolie.

Non, cette année, je ne le vis pas comme ça alors j’ai le temps d’en parler. Ou du moins de partager brièvement (ou pas, comment ça je m’étends facilement, si vous saviez comme je me limite en réalité 😉 ) mon ressenti habituel de fin d’année.

En presque 9 ans d’enseignement, c’est la première fois que je ne connais pas la fin d’une année scolaire.

Cette année, je n’aurai pas vécu le stress : celui de savoir si j’aurai réussi à donner ce qu’il fallait à ces enfants, celui de savoir si j’aurai réussi à tout rendre, tout boucler à temps, celui de savoir si ce petit garçon gardera une once de cette confiance en lui qu’il a réussi non sans mal à acquérir, celui de savoir si cette petite fille qui est venue chaque matin en pleurant pendant des mois avant de se sentir enfin à sa place reviendra sereine l’année prochaine, celui de savoir si j’ai vraiment fait du mieux que j’ai pu.

Cette année, je ne me serai pas trituré le cerveau pour savoir comment j’aurais pu faire plus pour untel ou untel, réfléchissant déjà à un nouveau fonctionnement pour la rentrée suivante. Je fais partie de ces personnes qui ont le perpétuel sentiment qu’ils auraient peut-être pu mieux faire, qu’ils auraient peut-être dû faire autrement. Exigeante, perfectionniste diront certains, le cerveau en ébullition en tout cas comme beaucoup je pense.

Cette année, je n’aurai pas connu la nostalgie en feuilletant une dernière fois les cahiers, je n’aurai pas eu un dernier regard pour les compositions plastiques avant de les ranger dans les pochettes, me repassant ainsi le film d’une année scolaire en une journée.

Cette année, je n’aurai pas eu dans le regard cette pointe de fierté et cette once de satisfaction en les regardant jouer, dessiner, discuter une dernière fois, prenant conscience du chemin qu’ils auront parcouru et quel chemin !

Cette année, je n’aurai pas connu non plus ce violent coup de fatigue indescriptible où, après 10 mois de cerveau en ébullition, de yeux perpétuellement aux aguets, de nerfs en tension, tout se relâche d’un coup apportant bien souvent des maladies hivernales à peine en vacances, en plein été, comme si nous ne tenions les dernières semaines on ne sait trop par quelle magie, juste parce qu’on n’a pas le choix.

Cette année, je n’aurai pas pleuré en leur disant bonnes vacances. Ben, oui, perfectionniste peut-être mais sensible assurément et j’assume (bon en fait j’assume moyen 😉 ). J’entends d’ailleurs chaque année des collègues, le sourire en coin me disant « oui moi aussi c’était comme ça mais tu verras dans quelques années, ça ne te fera plus ça ». Et bien après 9 ans, oui les choses ont changé, j’arrive mieux à retenir mes larmes face aux enfants pour les faire finalement sortir peu de temps après, une fois la porte de la classe claquée.
Non, je n’aurai pas connu tout ça, ces montagnes russes que sont les derniers jours d’école. On monte et on redescend en un instant, la valse des sensations en quelques heures, la confusion des sentiments. La joie de la perspective des vacances et du repos, la nostalgie tout à coup sélective qui fait que seuls les bons moments semblent rester, le soulagement, la tristesse de les voir partir, le stress d’avoir fait des erreurs, la satisfaction du travail accompli, la fierté de se dire qu’on a un peu compté, l’inquiétude de savoir comment vont nous revenir certains, l’excitation de tout effacer et de se dire que l’on va tout recommencer et que ce sera encore différent, la fin de quelque chose mais finalement aussi le début d’autre chose.

 

 

Et pourtant, ce 5 juillet dernier, je n’ai pas pu m’en empêcher, je suis passée respirer cet air ambiant très étrange et goûter à ce grand gloubiboulga avec mes anciens/nouveaux collègues. Je suis allée observer tout ça pour tenter d’en prendre un tout petit bout, telle une droguée en manque 😉 Plusieurs semaines que je venais régulièrement comme pour retrouver déjà un peu ma place, pour me rassurer un peu sur ma capacité à revenir, pour savoir si je saurais encore faire (ça ne fait qu’un an d’absence mais ça m’a paru bien plus long), pour mettre un peu d’ordre dans mes affaires, pour avoir déjà un pied dedans, pour me motiver encore plus et commencer à m’engager dans mon nouveau projet d’enseignement et pour voir comme mes petits étaient devenus grands, leur montrer que je ne les oubliais pas, c’était important.

Alors, c’est vrai, je n’ai pas connu ce dernier jour comme une véritable enseignante en poste mais j’ai vécu autre chose d’aussi important. J’ai vu mes anciens élèves. Ils se souvenaient de moi évidemment mais ils se souvenaient surtout de moments de classe, d’apprentissages, … qu’ils n’ont pas manqué de me rappeler. Il paraît qu’un bon prof, on ne se souvient pas forcément de son nom mais on se souvient de ce qu’on a appris avec lui. J’espère que mes élèves ne se souviendront plus de mon nom dans quelques années 🙂

J’espère que ce dont j’ai été et je serai le témoin et l’appui que j’ai pu ou que je vais leur donner lorsqu’ils sont/seront passés par ma classe n’est que le début. A eux, si un jour ils lisent ce texte (pas trop vite, j’aurai pris un bon coup de vieux), je voudrais qu’ils ne retiennent qu’une chose : ils sont quelqu’un d’important.

Ils ont été mes élèves ou ils le seront et ils ne le savent pas encore mais moi oui, chacun d’eux dans sa singularité a contribué et contribuera à m’élever un peu plus.

Alors merci

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