Mon premier accouchement.Sans titre

Je m’en souviens comme si c’était hier. 

On me dira que toutes les mamans se souviennent de ce jour là.
Sauf que voilà, je ne m’en souviens pas pour les bonnes raisons.
Je ne me souviens pas du bonheur que ça m’a procuré car il a été étouffé par autre chose.
Je ne me souviens pas de l’apaisement, de la délivrance, de la sérénité, du partage, de la découverte, de la rencontre, je ne me souviens de rien de tout cela car la peur, la souffrance, la culpabilité, l’épuisement, la honte ont pris le dessus.

Sur le moment, je n’en ai pas vraiment parlé.

Oui j’ai dit que j’avais eu un accouchement difficile. Mais j’ai dit aussi que tout allait bien. J’ai même fait de l’humour sur les difficultés traversées comme pour conjurer le sort, comme pour montrer à tous que malgré tout je m’en sortais et que c’était juste un mauvais souvenir, un épisode pas très réjouissant qui avait duré le temps de l’accouchement, un passage certes peu agréable mais tout à fait courant.

Mais c’était un peu plus que ça.

Et je suis une spécialiste pour cacher la douleur. Je me plains souvent pour des broutilles mais quand c’est vraiment grave je ne montre rien. Je ne veux surtout pas que l’on croit que je ne suis pas assez forte, que l’on voit que j’ai des failles. Je veux que l’on me voit combative, je veux être un exemple, montrer que je suis capable, je veux être la grande qui peut s’en sortir seule et qui mène tout de front. Moi, la petite dernière de la fratrie sensible et fragile qui pleure bien plus facilement qu’on ne le croit et qui ne comprend pas toujours grand chose au monde des adultes.
C’est peut-être pour ça que je n’ai rien dit ou pas de la bonne manière, que j’ai minimisé, que j’ai ironisé.
C’est peut-être aussi parce que je pensais que dans cette société qui  nous matraque d’images de mères épanouies à longueur de temps, j’étais à part. Je pensais être la seule. Je ne devais pas être normale. J’avais un peu honte c’est vrai, pourquoi je n’y arrivais pas aussi bien que les autres ? J’avais peur d’entendre à nouveau ce que j’avais déjà entendu : « Tu l’as voulu, tu l’as eu ». C’est vrai, je l’avais tellement voulu, et je l’avais bien crié sur tous les toits. Comment pouvais-je me plaindre à présent ? J’avais dit que je serais la plus heureuse quand ça arriverait, j’avais versé des tonnes de larmes quand je n’arrivais pas à tomber enceinte après ma première fausse couche, et des tonnes de plus après les deux autres, j’avais crié ma douleur et ma peine et maintenant que ce que j’avais tant espéré était arrivé, une autre douleur se présentait. J’avais peur du jugement et j’avais peur que ça embête les gens, qu’ils se sentent obligés de venir m’aider, je ne voulais pas déranger, je n’ai pas l’habitude de demander de l’aide, je ne suis pas très forte en sociabilisation, en vrai je suis timide alors c’est un peu compliqué. Autour de moi, j’entendais surtout que la maternité était merveilleuse, que les femmes qui pensaient même une demi seconde à secouer leur enfant étaient des êtres horribles à qui on aurait dû retirer le droit d’enfanter, que reprendre le travail était une déchirure, qu’avoir un enfant était un vrai bonheur, … Et moi, je pensais tout l’inverse. Vraiment, je ne devais pas être normale.

Alors j’ai continué à ne rien dire.
Je voulais qu’on sache que ça avait été difficile mais que j’avais vaincu.

Foutaises.
Je ne voulais pas qu’on sache que ça restait difficile même après et que je frôlais le pire.

 

Et puis progressivement, les langues se sont déliées, on s’est mis à parler un peu plus des dépressions post-partum, des burn-out maternels, des burn-out familiaux et aujourd’hui des violences obstétricales et de la considération d’une partie du personnel médical, de la violence des mots et de l’ignorance de ces problèmes par la société qui ferme les yeux.

 

Aujourd’hui, je me sens prête. Je suis loin d’être la seule mais il est temps de me délivrer. Non, je ne suis pas une « chieuse » qui vient encore râler pour un petit truc qui est monnaie courante, une petite nature plus sensible que les autres qui vient se plaindre pour rien. Rien, c’est justement ce que j’ai essayé de me persuader qu’était mon accouchement et mon séjour à la maternité pendant des mois et je l’ai bien intégré. Si bien que je n’ai pas fait le lien entre la difficulté de ce que j’ai vécu après et que je peux vivre encore parfois maintenant avec ce moment là. Aujourd’hui, j’ai envie d’en dire un peu plus parce que monnaie courante ne veut pas dire acceptable, normale et sans séquelles.

 

Neuf mois

J’ai mis 9 mois pour fabriquer mon enfant et 9 autres pour l’accepter vraiment, pour l’aimer sans peur, pour me sentir un tout petit peu moins fatiguée, pour réussir à être seule avec lui de manière sereine. Je n’ai pas fait de réelle dépression post-partum, ce que j’ai eu c’est autre chose, une sorte de choc post-traumatique et je l’ai compris bien plus tard. J’ai compris que ce n’était pas le rapport entre mon enfant et moi le problème, que ce n’était pas de ma faute. J’adorais jouer avec lui, lui apprendre plein de choses, le voir s’éveiller, je multipliais les activités pour les fabriquer des tas de choses, le stimuler, le faire sourire, l’intéresser, l’aider dans son développement. Mais je gardais cette crainte d’être seule avec lui. J’étais épuisée et je n’arrivais pas à récupérer. Et je n’étais pas aussi « maternelle » que peuvent l’être d’autres mères. J’étais seule, mon mari travaillait beaucoup, Marmouset avait des coliques parfois monumentales qui ne me laissait pas une seconde de répit, je n’avais pas ou peu de contact avec l’extérieur, je n’avais personne pour le faire garder mais tout cela n’était finalement pas à la base du problème. Cela ne faisait qu’aggraver quelque chose qui avait déjà été brisé à la maternité.

 

Le jour de l’accouchement, voilà le début de ma souffrance. La source du problème.

Quand on me demande si mon accouchement a été difficile, j’aurais tendance à répondre « non ». Non, il a été intense mais rapide et ce n’est pas moi qui ait dit qu’il était difficile en fait, c’est une sage-femme : « Vous avez eu un accouchement particulièrement difficile, vous devez vous reposer. »

Alors je l’ai intégré, j’ai eu un accouchement difficile, c’est pour ça que je ne suis pas très joyeuse, que j’ai du mal à accueillir mon petit, que je pleure tous les soirs quand mon mari quitte la maternité, que je suis épuisée. Mais ça ne s’est pas arrêté là.
J’ai eu un accouchement difficile, c’est pour ça qu’une fois à la maison, je ne rêve que de fuir, j’appelle mon mari au secours régulièrement, j’ai peur de rester seule avec mon fils, je rêve de travailler à nouveau.
J’ai eu un accouchement difficile, c’est pour ça qu’une fois le travail repris, j’appréhende les vacances où je devrai m’occuper de mon fils, j’ai peur de le secouer, j’ai envie de pouvoir enfin dormir, dormir pour toujours, je rêve parfois de me jeter par la fenêtre.
Mais ce n’est rien, c’est parce que j’ai eu un accouchement difficile…

Est-ce vraiment parce que j’ai eu un accouchement difficile ? De nombreux accouchements se font dans la douleur, mais toutes les mères ne sont pas dans l’état dans lequel je me suis trouvée par la suite. Parce que justement, par accouchement difficile, j’ai pensé « douleur physique ».
Or, malgré les forceps, malgré la détresse respiratoire de Marmouset, malgré le double cordon autour du cou, malgré la péridurale qui n’a pas fonctionné, malgré l’épisiotomie, malgré tout ça, mon accouchement ne m’a pas paru physiquement difficile. Il y a eu la douleur mais tout ce que je viens d’énumérer, je n’en ai pas forcément eu connaissance sur le moment. Ce qui m’a paru difficile, c’est le reste, tout ce qui s’est passé autour, le côté psychologique de l’accouchement et l’après, les jours à la maternité, la considération du personnel, le poids des mots. Ma véritable souffrance est là. C’est aussi ça un accouchement difficile.


Le poids de mots/maux

Ce qui a été difficile, ce n’est pas que la péridurale n’ait pas fonctionné, c’est que personne ne s’en soit rendu compte malgré mes cris de douleur, mon visage qui en disait probablement long ou qui justement ne disait plus rien comme si j’étais sortie de mon propre corps pour ne plus être que spectatrice de mon accouchement.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas d’avoir eu les forceps sans me demander mon avis ni me dire pourquoi parce que je peux concevoir totalement qu’une situation d’urgence nécessite d’agir avant de parler, ce qui a été difficile c’est qu’il n’y ait pas eu de retour après pour m’expliquer ce qui s’était passé. Aujourd’hui, je ne suis toujours pas bien certaine de ce qu’il y a eu.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas de ne pas avoir réussi à pousser, c’est que l’on me parle comme à un sportif dans un combat de boxe. « Énervez-vous Madame, allez on s’énerve ! « . Je suis venue accoucher, mettre au monde, est-ce que le champ lexical de la colère et de l’énervement vont de pair avec cela ? Qui plus est est-ce que ce genre de paroles peut vraiment aider une femme à accoucher, qu’est-ce que ça veut dire « énervez-vous » ?

Ce qui a été difficile, ce n’est pas de ne pas avoir senti mon bébé sortir dans cette immense douleur physique, c’est que l’on me hurle dessus en me disant de me calmer (oui en même temps que l’on me disait de m’énerver) comme si j’étais une folle furieuse, que l’on me parle comme si je faisais exprès de hurler et d’être dans un état second, qu’on ne se dise à aucun moment que je criais de douleur.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas d’avoir eu un périnée complet, c’est qu’on ne me l’ait pas dit, qu’on ne m’ait rien expliqué. Je l’ai su plus de deux ans après, quelques mois avant mon deuxième accouchement quand on m’a annoncé qu’à cause de cela mon dossier passerait en commission spéciale pour savoir si je pouvais accoucher normalement par voie basse sans épisiotomie d’office ou non. Je suis tombée des nues, et j’ai cherché seule sur le net ce que voulait dire « périnée complet ». On ne m’avait rien dit pas même lorsque j’étais retournée plusieurs fois à l’hôpital pour des irritations, une réelle gêne que le médecin qui a pratiqué l’épisiotomie a d’ailleurs niée.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas d’être recousue à vif c’est ce regard excédé du médecin au moment où  j’ai osé serrer les dents en laissant échapper un bruit plus sonore que les précédents. C’est cette remarque inappropriée et absurde : « Vous n’êtes pas un peu sensible de cet endroit ? ». C’est l’aveu d’une solution par un pchittt anesthésiant alors qu’il ne restait plus qu’un point à faire sur des dizaines. A ce moment là, le fait que la péridurale n’ait pas fonctionné n’avait toujours effleuré l’esprit de personne. Pas même le mien puisqu’entre souffrance et honte, je me disais que c’était normal et que le problème c’était moi.

Ce qui a été difficile ce n’est pas d’entendre qu’il fallait faire vite, c’est d’entendre le médecin et le personnel médical parler de moi comme si je n’étais pas là. Puis une fois le travail terminé, de se parler entre eux comme si seul mon vagin était posé sur la table et était digne d’intérêt, c’est bien connu les vagins n’ont pas d’oreilles. « 
Ah c’est le docteur truc qui a fait l’épisiotomie, elle a fait du bon boulot hein » Et de se féliciter mutuellement devant mes jambes écartées tantôt de l’épisio, tantôt de points de couture, sans m’inviter moi, la patiente, à en prendre connaissance.

Ce qui a été difficile ce n’est pas de voir débarquer 7 personnes dans la salle d’accouchement, c’est de les voir disparaître presque toutes une fois mon fils sorti, sans un mot, me laissant dans l’ignorance.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas d’accoucher la nuit, c’est que l’on ne me permette pas de récupérer et que l’on vienne me voir toutes les 5 minutes pour un truc ou un autre.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas de ne pas réussir à donner le sein à mon fils correctement tout de suite, c’est d’entendre que c’était ma faute car je n’avais pas les tétons comme il faut (à part ça j’ai allaité 15 mois Marmouset et je suis à 16 avec Caillou alors mes tétons ont toute leur capacité merci)

Ce qui a été difficile, ce n’est pas de devoir l’allaiter sans arrêt, c’est de me faire disputer car j’avais dû interrompre mon repas pour le nourrir et que par conséquent je n’avais pas fini mon plateau à temps.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas de devoir changer un bébé pour la première fois sans l’avoir jamais vu faire, c’est de devoir le faire sur des jambes qui ne me portaient plus suite au périnée complet, pendant une heure, la nuit, sans aide. Car à la demande d’aide, on m’a rétorqué « débrouillez-vous, c’est comme ça qu’on apprend ! ».

Ce qui a été difficile, ce n’est pas d’entendre mon fils pleurer, c’est d’entendre que personne ne viendrait le prendre la nuit en nurserie, alors même que la sage-femme de jour en avait fait la demande express s’inquiétant de mon état de fatigue, sage-femme qui pensait que c’était moi qui n’avait pas voulu donner mon enfant et qui lorsqu’elle a compris qu’on n’avait pas voulu me le prendre, paraissait désolée mais pas étonnée.  La conséquence, c’est que je n’ai plus jamais pu demander de l’aide à la maternité mais aussi après à la maison, que je me suis sentie incapable et anormale face à ses pleurs, que je ne supportais plus de l’entendre pleurer pas parce que j’étais inquiète pour lui mais parce que cela faisait monter mon angoisseLa conséquence, c’est que pour mon deuxième, à la maternité, quand j’ai enfin osé appeler après trois heures à ne plus réussir à l’endormir et que cette fois, la personne qui était là m’a de suite proposé de le prendre avec elle, j’ai pleuré toute les larmes de mon corps pendant plus d’une heure pensant que j’avais encore une fois échoué et que ce n’était pas normal de demander de l’aide, jusqu’à m’endormir d’épuisement.

Ce qui a été difficile, ce n’est pas de savoir que j’avais eu un accouchement dit « difficile », nécessitant de rester une semaine à la maternité et un passage de la psychologue, c’est qu’on ne m’ait pas dit pourquoi on qualifiait mon accouchement de difficile et que la psychologue ne fasse jamais son apparition.

Ce qui a été d’une difficulté sans nom pour moi, c’est ce manque de communication, ces remarques désobligeantes, ces réveils intempestifs, ce manque de soutien, c’est que l’on minimise mon ressenti et que l’on me fasse porter la responsabilité de ma propre souffrance. Je n’ai pas vécu un accouchement, mais une extraction. Je n’ai pas vécu un accouchement, je l’ai observé de l’extérieur, je suis sortie de mon corps puis comme si ça ne suffisait pas, à ce sentiment d’absence et d’incompréhension s’est ajouté la culpabilité et la honte durant tout le séjour. J’ai pensé que c’était normal qu’on ne m’aide pas, que c’était pour tout le monde comme ça, que je ne savais pas faire, que j’étais nulle, que je n’y arriverais jamais, je me suis épuisée et c’est là que tout à commencé.

Aujourd’hui encore, j’en garde des séquelles, je n’oublie pas, j’ai eu un rapport particulier et compliqué pendant un moment avec mon fils, un rapport que je peine encore a expliquer, comme s’il me manquait quelque chose. A cause de cela, je n’ai rien dit quand ça n’allait pas du tout, je n’ai pas osé demandé de l’aide, appeler au secours. A cause de cela, j’ai eu très peur d’accueillir mon deuxième, peur du retour à la maison, et si un troisième arrive, je n’aurai pas peur de l’accouchement, j’aurai peur de ce qu’il y a autour et de l’après, je pleurerai encore chaque soir lorsque mon mari rentrera à la maison sans moi et notre enfant, j’aurai peur d’appeler à l’aide le personnel, je prendrai sur moi même si je n’y arrive pas, j’aurai honte de leur demander le moindre service, la moindre explication, de parler d’une éventuelle souffrance, et je serai à nouveau épuisée.
Ou peut-être pas, parce que cette fois j’oserai leur parler et si je n’y arrive pas, tout sera déjà écrit ici, et me relire me donnera la force de ne pas subir cela à nouveau.
Je sais ce que c’est qu’accoucher parce que j’ai eu un deuxième enfant et que pour ce deuxième, j’ai été considérée, épaulée, on a communiqué avec moi, j’ai eu un personnel formidable, bienveillant, qui m’a écoutée, accompagnée, parlé. Un personnel qui m’a rendue actrice de mon accouchement. 

Je sais que des médecins, des gynécologues, des sages femmes, des mères vont me dire qu’il ne faut pas dramatiser et que le principal était que mon fils soit vivant et en bonne santé. Peut-être, mais fallait-il tuer la mère pour cela ? Car c’est ce qu’ils ont fait, c’est ce qui s’est passé et si j’ai eu la force de tenir par la suite, je ne sais toujours pas par quel miracle. Ils n’auront peut-être pas autant de chance avec la prochaine, peut-être qu’elle commettra l’irréparable parce qu’elle sera épuisée, dans l’incompréhension, incapable de reprendre des forces, sans suivi et qu’elle se sentira nulle, prendront-ils conscience à ce moment là du poids des mots et des gestes ou vont-ils comme beaucoup dire qu’elle était folle, fragile, une mauvais mère, une atrocité de la nature, une dangereuse personne à abattre pour pouvoir se regarder dans le miroir ?

 

Violence

Les violences obstétricales, gynécologiques ou médicales existent bel et bien, elles peuvent être physiques, psychologique, parfois les deux à la fois. Le résultat est toujours le même : la souffrance consciente ou non. De la gynécologue qui prescrit sa première contraception à une patiente un peu au hasard sans lui demander son avis et sans l’informer des différentes possibilités qui s’offrent à elle, de celle qui l’oblige à se déshabiller complètement et tente de lui imposer un examen alors qu’elle n’a jamais eu de rapport sexuel, de celle qui ne lui dira jamais qu’il est anormal de souffrir pendant ses règles au point de manquer l’école ou d’échouer à une évaluation qu’elle n’aurait jamais raté et qui la laissera seule gérer son mal. Toutes ces situations, je les ai connues, J’ai souvent eu l’idée et la force de fuir (merci à ma grande soeur de m’avoir offert un livre de Martin Winckler quand j’étais ado). Cela paraît anodin mais si j’en parle aujourd’hui, c’est pour que d’autres qui passeront par là puisse répondre, se défendre, demander des explications, bref pour qu’elles sachent que non tout ça n’est pas normal et que l’ignorance de la patiente ne justifie pas un tel comportement. 

Des praticiens qui travaillent avec bienveillance, humour, compassion, il y en a, j’en ai croisé beaucoup. Ils ne sont pas meilleurs que les autres, plus techniques, plus experts, plus exceptionnels, ils sont juste humains, des êtres humains qui s’adressent à d’autres êtres humains, alors vous voyez, ce n’est pas si compliqué et ça peut probablement éviter des drames.

 

Bien entendu, ça ne changera pas le monde. Mon récit, qui est loin d’être le seul ne changera pas le monde. On est encore trop peu à oser en parler parce qu’on croit que c’est normal, parce qu’on a peur du regard des autres, parce qu’il existe d’autres personnes qui souffrent bien plus que nous, parce qu’on nous dit que ce n’est rien, parce qu’on lit qu’on n’a pas de raison de se plaindre, qu’aujourd’hui on crie au scandale pour pas grand chose, … On ne mesure pas l’impact que tout cela peut avoir tant qu’on ne l’a pas vécu. On continue à blesser physiquement et psychologiquement des femmes. On continue à insulter les mères qui font des erreurs, qui pensent au pire, qui passent à l’acte. On continue à leur dire que « oui c’est difficile mais tu n’es pas la première et tu ne seras pas la dernière » comme si ce genre de paroles arrangeait les choses, ça revient juste à nous dire de nous taire. On continue à être dans le jugement pour tout, sur les choix et les non choix des femmes et des mères.  Tant que ce sera comme ça, des femmes et des mères continueront à se sentir seule, à culpabiliser, à souffrir et parfois à commettre l’irréparable.
Parlez, soutenez, ouvrez-les yeux, ne jugez plus, acceptez que ce soit différent, ne minimisez pas, acceptez tout court et qui sait, en fin de compte peut-être que ça changera le monde.

 

0 réponses

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *